Réforme du lycée et du bac... C'est pareil qu'avant finalement, non?
Conversation avec un parent...
Question: Actuellement, les options — comme par exemple Sciences de l'Ingénieur de la filière S — n'étaient disponibles que dans certains établissements.
Et donc ce sera pareil avec les spécialités: là où les options SVT sont dispos — c'est-à-dire partout — il y aura une spécialité Sciences de la vie et de la Terre puisqu'il y a des profs pour le faire; et là où il y a Sciences de l'Ingénieur — seulement dans certains établissements — il y aura la spécialité correspondante.
Ce qui est vraiment grave, c'est la disparition des mathématiques du tronc commun.
Réponse: Malheureusement, ce n'est pas le cas.
Choix des élèves?
C’est bien là que l’on se rend compte à quel point le système proposé change la donne pour les élèves:
Sans les lois Blanquer |
Avec le projet de loi Blanquer |
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La plupart des lycées ont des sections L, ES et S. |
Ce n’est pas le cas des spécialités qui sont réparties plus “sélectivement” comme le montre les cartes académiques. |
Un élève qui demande ES est très rarement dissuadé (contrairement à ceux qui demandent S et n’ont pas “les notes suffisantes” en math). De toute façon, dissuasion ou pas, le lycée ne pouvait pas vraiment dire non. |
Pour les spécialités, il est possible de dire “non” par manque de places ou si la convention entre établissements n’est pas signée ou si c’est trop loin ou si … |
Si d’aventure un élève demande ES et que ce n’est pas disponible dans son lycée de secteur, il sera affecté dans un lycée proche qui la délivre. Autrement dit, il suivra bien la filière ES dans un autre lycée mais y fera toute sa scolarité lycéenne de droit sans naviguer d’un endroit à un autre. |
Or, les spécialités ne sont pas dérogatoires (contrairement aux options) et donc qui les demande ne les a pas de droit. Pourtant le ministre et ses recteurs se gargarisent que “c’est l’élève qui aura le dernier mot.” |
Avant ParcourSup, celui qui sortait de S ou L pouvait très bien demander avec APB à aller en droit en 1er choix et donc avoir une assez bonne chance d’y aller. |
Suivant les spécialités choisies, le “prestige” du lycée, le lycéen pourrait bien se voir fermer la porte. |
En dehors de la discussion sur leur accessibilité (en nombre de places, problèmes de mobilité ou de compatibilité d’emplois du temps), si effectivement l’objectif des spécialités était de mieux préparer au supérieur, il sera très dissuasif pour la majorité des élèves de relever le niveau de la spécialité math au niveau de la L1 (comme le programme envisagé et publié le montre).
Autrement dit, cela revient à barrer les filières ayant les maths pour attendus pour la majorité des élèves.
Qui plus est, si l’élève peut suivre cette spécialité (et c’est tant mieux pour lui), ça veut dire qu’il est de toute façon en capacité d’intégrer le supérieur dès le lycée…
Étonnant pour le moins… Cela signifie peut-être qu’on attend qu'il suive une préparation externe (payante?).
Quel lycée voulons-nous?
De plus, à notre sens, les maths tout comme le sport, la musique, le théâtre, les SES ou la philo, etc. font partie de la culture.
Plutôt qu’un lycée qui forment des sujets capables de régurgiter des connaissances sans les avoir comprises, qui forme des singes savants, nous voulons un lycée qui fasse des têtes bien faites, qui montre tous les aspects du génie humain et forme des personnes émancipées capables de penser par elles-mêmes.
À charge au supérieur de les nourrir de manière plus spécialisée ensuite.
Attendus du supérieur
Il aurait été de toute façon bien plus “juste”, formateur et efficace — disons sage pour faire court — de prévoir une année de remise à niveau gratuite dans le supérieur:
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on s’adresse cette fois à des étudiants qui ont choisi cette filière, pas à des lycéens;
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on laisse les lycéens se cultiver y compris dans des matières auxquelles ils auront peut-être moins à faire une fois engagés dans leur cursus supérieur... mais qui peut être sûr qu’ils n’en auront jamais besoin avec les changements de carrières que l’on sait.
Économies ou casse?
On voit là où le bât blesse: pour faire ce qui est bon pour les lycéens, il aurait fallu prévoir de créer des postes, pas d'en supprimer.
Le point commun des réformes de l’éducation nationale depuis de trop nombreuses années est toujours d'avoir pour objectif premier de faire des économies.
Évidemment, pour les faire accepter, il faut soigner la présentation et la communication mais on se paye de mots alors que les postes disparaissent pour de vrai.
Pourtant, les études et les comparaisons internationales indiquent que c’est au contraire d’un manque d’investissements dont souffre notre système éducatif:
https://www.inegalites.fr/Depenses-d-education-la-France-un-eleve-mediocre
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la France est l’un des pays les plus mal classés de l’OCDE pour les dépenses consacrées au primaire et au collège, plutôt mieux dans le lycée — encore faudrait-il creuser pour voir si ce ne sont pas les classes prépas (qui ne scolarisent qu’une faible part de la population étudiante) qui expliquent ce bon “résultat”;
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entre 1996 et 2016, la dépense intérieure d’éducation (DIE) rapportée à la richesse (PIB) a baissé de 7,7 % à 6,7 %.
Et un point de PIB, c’est énorme: si l’on consacrait le même niveau à l’éducation qu’en 1996, notre système d’enseignement disposerait de 23 milliards d’euros de plus, à peu de chose près, l’équivalent de l’ensemble du budget de l’enseignement supérieur.
Avec cet argent, on pourrait doubler les moyens de l’enseignement supérieur mais aussi de la recherche française, et tout cela à la fois !
Ou alors augmenter de 50 % les moyens du primaire et du secondaire : de quoi dédoubler toutes les classes de la maternelle au primaire.
Nous pouvons légitimement nous interroger: pourquoi alors que tous disent qu'ils vont "tout faire" pour améliorer le système éducatif, force est de constater que celui-ce se dégrade après chacune de leurs "merveilleuses réformes"?
Peut-être est-ce au contraire le but poursuivi pour que nous acceptions finalemant de privatiser un système qui marche si mal.
Et l'orientation?
Les spécialités sont évidemment fortement liées à l'orientation. Même si les discours disent que "seules les compétences et les appétences guident les choix des élèves."
Sur le site du ministère, on trouve d'ailleurs ceci:
- http://quandjepasselebac.education.fr/bac-general-cours-communs-et-specialites/
Au lycée général, il n’y aura donc plus de séries : vous choisissez, dès la fin de la 2de, 3 spécialités en fonction de votre projet d’orientation. Ces spécialités, ce sont les disciplines que vous voulez approfondir !
[...]Pour bien choisir vos spécialités, il faut savoir ce que vous voulez faire après le bac.
- http://quandjepasselebac.education.fr/parcoursup-les-caracteristiques-de-formation-indispensables-pour-bien-choisir/
- les attendus de la formation (c’est-à-dire les connaissances et compétences nécessaires à l’entrée dans l’établissement choisi)
Dans les journaux aussi:
- https://www.francetvinfo.fr/societe/education/parcoursup/parcoursup/la-specialite-sciences-de-la-vie-et-de-la-terre-incontournable-pour-entrer-en-medecine-comment-l-orientation-des-etudiants-va-se-jouer-des-la-seconde_3074093.html
La spécialité sciences de la vie et de la Terre "incontournable" pour entrer en médecine : comment l'orientation des étudiants va se jouer dès la seconde
L'enseignement des SVT va devenir "incontournable" dès 2021 dans la procédure de Parcoursup pour intégrer le premier cycle de médecine. Avec la réforme en cours du lycée et du bac, cette annonce reflète une réalité qui va bientôt s'imposer aux lycéens : ils vont devoir faire des choix stratégiques pour leur orientation de plus en plus tôt.
- https://www.studyrama.com/reforme-du-bac/bac-2021-quelles-specialites-choisir-pour-des-etudes-105276
Bac 2021 : quelles spécialités choisir pour des études de Droit ?
- Sciences économiques et sociales
- Histoire géographie, géopolitique et sciences politiques
- Langues, littératures et cultures étrangères
Alors, SVT semble présente "presque partout"... pour l'instant.
Mais pour les autres spécialités, que fera-t-on si elles ne sont pas présentes dans le lycée d'affectation mais requises dans les attendus de la filière que votre enfant veut suivre?
Il faut savoir que les options sont dérogatoires (c'est-à-dire que l'élève peut demander à être affecté dans un établissement qui la propose) mais pas les spécialités!
Prenons l'exemple des lycées Eiffel à Rueil ou Auffray à Clichy. Les spécialités disponibles sont:
- Histoire géographie, géopolitique et sciences politiques
- Mathématiques
- Physique-chimie
- Sciences de la vie et de la Terre
- Sciences économiques et sociales
Si mon enfant veut faire du droit et qu'il lui faut la spécialité Langues, comment fait-il?
La réforme prévoit qu'il se rende au lycée Richelieu à Rueil ou Newton à Clichy.
Il est d'ores et déjà prévu que ce puisse être dans un lycée privé et non plus public (tiens, tiens...).
Seulement, cela suppose plusieurs choses:
- que les lycées passent une convention entre eux (rien n'est prévu pour le moment);
- que les emplois du temps des établissements s'accordent et tiennent compte du temps de trajet (rien n'est prévu pour le moment);
- nous ne sous estimons pas la complexité de cette tâche, en particulier lorsqu'il y a une dizaine d'options et des milliers d'élèves... mais les académies semblent le faire, elles (de sous-estimer cet obstacle)
- que les classes de spécialités aient de la place (aucune garantie d'être pris);
- que le trajet soit praticable pour toutes et tous;
- etc.
Déjà, on aurait pu prévoir que ce soit les enseignants de spécialités qui se déplacent (attention au matériel nécessaire cependant): cela serait plus efficace des points de vue du nombre de personnes à déplacer, de l'encombrement des moyens de transports mais aussi éviterait à des jeunes de se retrouver livrés à eux-mêmes pendant ce long intercours...
Notre prévision est la suivante:
- cette réforme est destinée à échouer;
Rien n'est prévu par le ministère ou les académies pour résoudre les problèmes pratiques qui vont se poser et ils ne montrent aucun empressement ou volonté de s'y atteler. Ce sera le règne de la débrouillardise, avec des réussites plus ou moins heureuses suivant les endroits mais plus certainement des échecs vu la complexité de la chose.
- une fois admis qu'elle est impossible à mettre en oeuvre en l'état, on orientera les élèves vers le Cned (ce qui est déjà proposé) ou vers des officines privées dûment certifiées par le ministère (payées par qui? nos impôts ou les familles qui en ont les moyens?). Et ça ne date pas de cette année:
On organiserait un système très différencié voire discriminatoire que l'on ne s'y prendrait pas autrement: