Focus Lycée -- L'Expresso du 04 février 2019
Source: cafepedagogique.net
Bac -3 / bac +3 : Qu'est ce qui bouge vraiment ?
Six ans après un premier numéro consacré au continuum lycée - enseignement supérieur, la revue "Administration & éducation de l'AFAE (une association qui réunit de hauts cadres de l'éducation nationale) revient sur un sujet que la réforme des lycées et Parcousup inscrivent dans l'actualité. Coordonné par Françoise Martin Van der Haegen, ce numéro prend de la hauteur. On retiendra trois éclairages : une histoire des frontières entre lycée et enseignement supérieur proposée par Alain Boissinot, une réflexion sur l'échec en licence introduite par Bernard Dizambourg et un regard étranger sur les parcours d'étudiants, rédigé par Nicolas Charles et Romain Delès. Tous trois relativisent ou au moins éclairent les changements impulsés récemment et laissent prévoir des évolutions ultérieures.
Blanquer défend sa réforme du lycée
"La réforme permet au contraire de compenser les inégalités. Nous avons implanté certains enseignements de spécialité dans les lycées les plus défavorisés". Dans une double page du Journal du Dimanche du 3 février, le ministre de l'éducation nationale peut à loisir défendre sa réforme du lycée sans aucun regard critique si ce n'est dans les propos même du ministre. Car comment à la fois assurer qu'on combat les inégalités et "en même temps" rappeler que l'on défend toutes les filières élitistes dont la composition sociale est très favorisée ? Un bel exemple en est donné par les futurs établissements internationaux créés pour les enfants de cadres internationaux mais où le ministre "s'engage à ce qu'ils soient mixtes". Le ministre affirme que "92% des lycées proposent au moins 7 enseignements de spécialité.. auparavant seuls 84% des lycées offraient les trois séries" comme si les deux termes étaient comparables. Les trois séries c'est 100% de choix , 7 spécialités ce n'est qu'une partie modeste des spécialités proposées. Ce n'est pas par hasard que la réforme prévoit de faire suivre dans un autre lycée des spécialités, solution impossible sur de nombreux territoires. Mais le ministre affirme aussi que "les dédoublements des CP et CE1 ne se feront pas au détriment des autres niveaux"... On retiendra donc de cet article que la réforme du lycée a besoin d'un effort de promotion...
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SES : Ce que coute la réforme du lycée en postes
Les premiers résultats de la consultation des professeurs de SES sur la réforme du lycée organisée par l'Apses sont tombés. Sur 337 établissements , la moitié verront des pertes de BMP (des paquets d'heures d'enseignement) en SES, un cinquième la perte d'au moins un poste. Les dédoublements disparaissent en seconde dans 149 lycées et augmentent dans 15. En première le ratio est de 186 disparitions contre 6.
Comment se débarrasser des lycéens professionnels ?
Comment se débarrasser des bacheliers professionnels qui veulent faire des études supérieures au moindre coût ? Le gouvernement a créé les "classes passerelles" qui permettent de mettre au parking des jeunes sous prétexte de les préparer au BTS dans des formations qui ne donnent ni qualification ni le droit d'entrer en BTS. Un communiqué du ministère de l'enseignement supérieur du 1er février sur "la concertation sur la professionnalisation" annonce une autre mesure. Dans les 10 préconisations est citée celle-ci : " Enrichir la voie professionnelle en ouvrant la licence professionnelle aux 180 E.C.T.S. et en ouvrant la voie à la diplomation à Bac +1". On retrouve là l'idée de "brevet professionnel supérieur" avancée en 2014 par G. Fioraso. En créant un diplôme réservé aux seuls lycéens professionnels, de niveau bac +1 , on se débarrasse au moindre coût des aspirations de ces jeunes. Le communiqué précise que " la restitution des travaux menés par les partenaires sociaux montre que des discussions doivent encore être menées à partir des préconisations énoncées".
Besançon : Recherche salle de classe XXL
" Élèves et professeur.e.s du lycée Pasteur, nous sommes à la recherche de locaux pouvant nous accueillir dès septembre 2019. Conséquence de la réforme et du petit budget accordé par le rectorat, les enseignant.e.s devront faire cours à 35 élèves dans la quasi-totalité des matières. Nos locaux actuels, bien que fraîchement rénovés, ne peuvent pas contenir un si grand nombre d’élèves. Nous recherchons donc des salles répondant aux critères suivants : Capacité minimum : 35 élèves". Des enseignants de Besançon ont fait paraitre cette annonce sur Le bon coin...
Jean Michel Blanquer au JDD : "La réforme du lycée permet de compenser les inégalités"
Source: JDD
Par Hervé Gattegno, Marie Quenet, David Revault d’Allonnes
PREMIUM
Alors que son projet de loi est examiné à l'Assemblée, le ministre de l'Éducation nationale analyse la crise des Gilets jaunes comme une demande d'amour et défend sa réforme des lycées.
Peu évoquée depuis le début du Grand débat national, la question de l'éducation ne reste pas moins centrale selon Jean-Michel Blanquer. "Elle est toujours présente, explicitement ou implicitement. (...) Cela ne fait pas partie des quatre thèmes proposés, mais on en débat depuis des mois", explique-t-il dans un entretien accordé au JDD. Selon le ministre de l'Education, la crise des Gilets jaunes révèle surtout l'attente de plus de considération de la part des Français : "Il y a un besoin d'attention, d'amour, de lien social."
Il n'est pas beaucoup question d'éducation dans le grand débat, vous le regrettez?
Elle est toujours présente, explicitement ou implicitement ; c'est la chose la plus déterminante pour l'avenir d'un pays, notamment pour lutter contre les inégalités. Cela ne fait pas partie des quatre thèmes proposés, mais on en débat depuis des mois : l'évolution du lycée a fait l'objet d'une consultation auprès de 40.000 élèves, la gestion des ressources humaines est discutée avec les syndicats. Le dernier baromètre Cevipof/OpinionWay montre que la confiance dans notre institution a augmenté ces derniers mois. Je participe à de nombreuses réunions dans les départements. J'observe une volonté d'approfondir les directions que nous avons prises : attention à l'école rurale, dédoublement des classes, ancrage des savoirs fondamentaux, projets comme "Devoirs faits" visant à compenser les inégalités, campus professionnels pour mailler le territoire… Le projet éducatif porte les enjeux qui sont au cœur du grand débat : la justice territoriale et la justice sociale.
Ce qui m'a frappé sur les ronds-points, c'est de voir à quel point les gens attendent plus de considération
Face au mouvement des Gilets jaunes, l'école a-t-elle un rôle à jouer?
La crise actuelle me fait penser à cette phrase de Marguerite d'Angoulême : "L'amour n'est pas un feu que l'on tient dans la main." Les passions ne peuvent pas être traitées comme des objets. Il faut certes prendre des mesures concrètes - réforme de l'assurance chômage, de l'école ou de la mobilité -, mais aussi tenir compte de la dimension humaine. Ce qui m'a frappé sur les ronds-points, c'est de voir à quel point les gens attendent plus de considération. Il y a un besoin d'attention, d'amour, de lien social. Autrefois, les gens admiraient Stendhal et voulaient stendhaliser le monde. Aujourd'hui, on admire Houellebecq mais on veut "déhouellebecquiser" le monde.
Une femme vous a houspillé sur un rond-point…
C'était le seul moment conflictuel de la journée lors d'un déplacement dans les Hautes-Alpes. J'avais eu des échanges constructifs. Un groupe de Gilets jaunes, à la fin de notre discussion prolongée, avait même applaudi. Il y a un espace pour le dialogue quand les personnes sont de bonne volonté. Cela, on ne le montre pas. Cette scène est une métaphore : je parle avec des gens, nous échangeons des arguments, et une dame vient me crier des choses inexactes à l'oreille. Il y a des forces qui n'aiment pas débattre et qui tentent d'imposer une idée de la politique aux antipodes de la démocratie.
Face aux fake news, l'école doit-elle apprendre aux enfants à distinguer le vrai du faux?
Elle le fait déjà en partie, explicitement, mais aussi comme M. Jourdain fait de la prose. Car au cœur des missions de l'école, il y a l'ambition des Lumières : donner à chaque enfant des outils de discernement et d'émancipation. Cela passe par une éducation aux médias. Mais aussi par deux approches clés, celles de la logique et de la culture. La logique doit retrouver toute sa place dans nos enseignements, d'où, par exemple, l'importance que j'accorde aux mathématiques ou à la grammaire. Il faut aussi ouvrir l'accès à la culture. La pratique de la musique contribuera à une meilleure écoute de l'autre. Et comme l'éducation à l'image est fondamentale, nous développons les ciné-clubs dans les collèges et lycées et nous créons, avec l'académie des César, le César des lycéens.
Avez-vous une proposition dans le cadre du grand débat?
Dans un pays qui compte 18 millions de bénévoles, je propose de passer à une nouvelle étape en matière de vie associative. Depuis la suppression de la réserve parlementaire, nous alimentons un fonds pour les associations à l'échelle de chaque département. Les citoyens devraient pouvoir l'utiliser et choisir les projets qu'ils veulent financer en priorité : soin aux personnes âgées, environnement, etc.
La réforme du lycée, c'est une palette de choix qui s'ouvre pour les lycéens
Avec la réforme du lycée, les élèves de seconde ont désormais trois spécialités à choisir pour leur année de première. Quel état des lieux dressez-vous?
Cette réforme porte de formidables opportunités. Pour la voie générale, nous passons d'un système qui proposait trois couloirs, avec des choix brusques et parfois irréversibles, à un système de passerelles, avec plus de liberté. Nous avons une offre plus importante. Aujourd'hui, 92% des lycées proposent au moins sept enseignements de spécialités au-delà du tronc commun. Auparavant, seuls 84% des lycées offraient les trois séries L, S et ES. C'est une palette de choix qui s'ouvre pour les lycéens.
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Certains s'inquiètent des inégalités entre établissements…
La réforme permet au contraire de compenser les inégalités. Nous avons implanté certains enseignements de spécialité dans les lycées plus défavorisés, fréquemment en banlieue ou en milieu rural, pour leur donner des atouts supplémentaires. C'est un levier en faveur de la mixité. La nouvelle spécialité "Numérique et sciences informatiques" sera, par exemple, dispensée dans 53% des lycées, dont beaucoup ne sont pas en centre-ville (aujourd'hui, seuls 3,5% des élèves étudient l'informatique au lycée). Cette nouvelle matière s'accompagne de la création du Capes informatique et de la formation de 1.500 professeurs. Nous serons le seul pays au monde à proposer un enseignement informatique systématique!
Mais toutes les combinaisons ne seront pas possibles. Il faudra tenir compte des emplois du temps et des dotations horaires des lycées.
La situation de chaque établissement se situera entre deux extrêmes qui doivent être évités : d'une part la reconstitution des trois séries précédentes, d'autre part la combinaison de tout avec tout, qui serait infaisable. Concrètement, chaque lycéen de la voie générale aura le choix parmi une vingtaine ou une trentaine de combinaisons, contre deux ou trois seulement aujourd'hui. C'est un progrès considérable! Il ne faut pas écouter les habituels ventilateurs à angoisses ; ce serait hallucinant qu'ils réussissent à faire passer l'or pour du plomb!
Les professeurs de latin et grec s'angoissaient aussi…
Pas tous, loin s'en faut! Car nous avons impulsé un véritable rebond. La spécialité "Littérature, langues et cultures de l'Antiquité" (LCA) sera proposée dans 24% des lycées, ce qui s'ajoute à l'option grec ou latin présente dans 72% des établissements. Cela amplifie nos efforts en faveur des langues anciennes : à la rentrée 2018, 45.218 élèves supplémentaires ont pris l'option latin ou grec au collège (+11%).
Avec la réforme, on pourra changer entre la première et la terminale
Choisir ses spécialités en seconde, n'est-ce pas trop tôt?
C'est le système actuel qui conduit à décider trop tôt! En ne prenant pas S, vous vous fermiez beaucoup de portes. Avec la réforme, on pourra changer entre la première et la terminale. Mais chaque élève est invité à se poser la question dès la seconde : qu'est-ce qui me plaît? Chacun peut, en allant sur le site horizons2021.fr, réfléchir à ses choix en partant des grands domaines qui l'intéressent. Et consulter la carte des spécialités de tous les lycées de France sur le site quandjepasselebac.education.fr.
L'article 1 du projet de loi évoque l'exemplarité des professeurs, certains y ont vu une volonté de museler les enseignants. L'avez-vous modifié?
L'article a été réécrit en faisant référence au système existant de droits et de devoir de réserve des fonctionnaires pour bien montrer que ce n'était pas cela qui changeait. La très grande majorité des enseignants a bien vu notre logique : remettre le professeur au centre de la société. C'est exactement ce que pensait Jules Ferry, il y a cent quarante ans, quand il faisait confiance aux "hussards" et mettait en avant leurs droits et leurs devoirs.
Le Conseil national de l'évaluation, dont vous choisirez plusieurs membres, sera-t-il vraiment indépendant?
Je suis prêt, là aussi, à faire évoluer la loi. Mais ce débat ne doit pas masquer l'essentiel. Le sujet, c'est d'avoir pour la première fois en France un mécanisme d'évaluation digne d'un grand pays. La logique, c'est d'abord l'autoévaluation, puis l'accompagnement des établissements pour la réalisation de leur projet éducatif, enfin une évaluation de son accomplissement au bout de cinq ans. C'est une nouvelle culture de l'évaluation qui en résultera, complètement dédramatisée. Ce n'est pas l'évaluation punitive, mais l'évaluation-levier. Cette logique vaut pour les élèves comme pour les établissements.
L'an prochain, nous renforcerons aussi le taux d'encadrement en grande section de maternelle
Najat Vallaud-Belkacem avait supprimé les classes bilangues au nom de l'égalité, vous créez au contraire de nouvelles écoles internationales. N'est-ce pas élitiste?
Ma logique est de tirer tout le monde vers le haut. Il faudra m'expliquer où était l'égalité quand on a supprimé, sous le précédent quinquennat, 5% des classes bilangues dans l'académie de Paris, mais 84% dans celle de Caen. Aujourd'hui, nous comptons 35.000 élèves supplémentaires en classe bilangue. On cherche toujours à opposer les riches et les pauvres, moi je fais l'inverse. Je m'engage donc à ce que ces nouveaux établissements publics locaux d'enseignement internationaux (Eplei) soient mixtes. Ce serait bien d'en avoir au moins un par académie et d'en implanter dans des territoires qui ont besoin de renforcer leur attractivité.
La loi lance aussi une réforme de la formation. Le ministère veut peser davantage?
Les nouveaux Instituts de formation des professeurs resteront dans les universités tout en devenant de vraies écoles professionnelles. Car l'Education nationale, qui est l'employeur, a son mot à dire pour garantir l'homogénéité des formations. Aujourd'hui, vous avez par exemple moins de dix heures d'enseignement sur les méthodes d'apprentissage de lecture à certains endroits, quatre-vingts heures ailleurs, il en faudrait en réalité au moins une centaine! Nous ferons aussi en sorte qu'un tiers des formateurs soient des professeurs de terrain, qui ont encore une classe.
Dans le cadre du grand débat, Emmanuel Macron a parlé d'étendre le dédoublement des classes de CP-CE1 au-delà des écoles défavorisées. C'est prévu?
Le taux d'encadrement à l'école primaire va s'améliorer pendant tout le quinquennat, à chaque rentrée scolaire, dans chaque département de France. Contrairement à ce qu'on peut entendre, les dédoublements des CP et CE1 ne se feront pas au détriment des autres niveaux. Et nous n'avons jamais fermé aussi peu de classes en milieu rural. Nous avons même commencé à y dédoubler des CP et CE1 en dehors des réseaux d'éducation prioritaire. Dans l'Aisne, par exemple, 40% des dédoublements ont lieu dans les zones rurales. L'an prochain, nous renforcerons aussi le taux d'encadrement en grande section de maternelle. L'affirmation du Président montre bien que le grand débat est l'occasion d'indiquer un cap.
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