Lettre ouverte sur la réforme des lycées -- 5 février 2019

Source: FCPE nationale

Monsieur le Ministre,

L’assemblée des Présidentes et Présidents des Conseils départementaux de la FCPE, réunie le samedi 26 janvier 2019, a souhaité vous adresser un message fort en demandant une pause sur les réformes des lycées. Il doit aujourd’hui être entendu. Il est porté sur le territoire par des parents d’élèves qui n’ont cessé de faire des propositions.

Vous le savez, la FCPE appelait de ses vœux une réforme du lycée, qui visait à réduire les inégalités, cassait la logique des filières et offrait aux élèves un lycée non cloisonné en voies hermétiques, offrant à chaque jeune les moyens de son orientation. La FCPE vous a alerté, en Conseil Supérieur de l’Education, sur un certain nombre de points comme le test de positionnement en classe de seconde, la baisse du nombre de postes, une voie technologique qui subit une réforme non pensée pour elle. Et surtout, la liberté de choix se heurtant aux problématiques de territoire devient un non choix pour les élèves.

Mais surtout la FCPE a partagé son inquiétude sur la mise en œuvre de ces profondes transformations, précipitées dans un calendrier très contraint. Force est de constater sur le terrain que nos craintes deviennent réalité.

Les élèves de seconde, dans leur immense majorité n’ont pas pu bénéficier des 54 heures dédiées à l’orientation alors même qu’ils sont les premières et les premiers à expérimenter ce nouveau lycée.

La liberté annoncée de choisir des spécialités devant mettre fin aux filières se retrouve réduite à des packs de spécialités, contrainte par les emplois du temps et le nombre défini de personnels dans les établissements. Nous notons de profondes disparités de propositions sur des bassins d’éducation alors que les spécialités viennent d’être dévoilées. Pire encore, cela interroge la mobilité scolaire des élèves dans un périmètre géographique raisonnable s’ils choisissent une spécialité qui n’est pas dans leur établissement. Pourront-ils les intégrer ? Existe-il des conditions ? Quelle garantie pour les élèves en situation de handicap, pour lesquels la mobilité nécessiterait un transport spécialisé ou un accompagnement ? Il s’agit bien pour tous les élèves de poursuivre leur scolarité sans impacter les revenus des familles.

Le contrôle continu tel qu’il est construit pour le « bac 2021 » aboutit à la multiplication des épreuves et ne propose nullement une évaluation progressive telle que nous le souhaitions, avec moins d’épreuves. Quel cadre pour préparer l’épreuve terminale du grand oral ?

Aucune réponse n’est donnée.

Ce questionnement est similaire pour la voie professionnelle dans le choix de familles de métiers, dont trois seront en expérimentation à la rentrée 2019. Les familles de métiers dans lesquelles seront regroupées les formations en 2nde ne doivent pas conduire à des classes surchargées. Quelle égalité territoriale dans la mise en œuvre de ces familles sachant que l’ensemble des spécialités d’une même famille n’est pas proposé dans l’établissement ou dans un établissement proche ? S’il est judicieux de réfléchir à l’avenir de filières qui ne permettent pas l’insertion ou la poursuite d’étude, leur fermeture pure et simple n’est pas une réponse suffisante. Quelles autres propositions seront faites aux jeunes ? La carte des formations permet-elle de garantir aux élèves la possibilité d’un véritable choix dans un périmètre géographique raisonnable et dans un établissement public ?

Et c’est sans parler des réformes des programmes qui sont en cours ou encore de Parcours Sup qui cristallise à lui seul une profonde anxiété chez les élèves de terminale et leurs familles.

Les dotations horaires globales sont en cours de discussions et déjà, nous pouvons constater que les moyens alloués ne répondent pas aux objectifs affichés des réformes, mais visent en premier lieu à répartir la pénurie, au détriment de l’accompagnement des élèves.

Il s’agit d’entendre, Monsieur le Ministre, l’expression des parents d’élèves et à travers eux celles des élèves de collèges comme de lycées, sous pression et qui s’inquiètent de leur avenir.

Nous vous demandons, Monsieur le Ministre, de prendre le temps nécessaire à une réforme éducative, le temps pédagogique de l’explicitation, le temps de l’ajustement. Le temps de la construction d’une carte des lycées qui offre véritablement aux élèves la possibilité de choisir leurs spécialités ou leur famille de métiers dans un établissement public.

Cette pause attendue doit être jalonnée de moments de travail rassemblant les représentants des corps intermédiaires afin de lever les incohérences. L’ensemble de la communauté éducative doit être invitée à prendre le temps de construire une réforme juste socialement et territorialement. Ainsi chaque lycéenne et lycéen pourra construire son avenir sereinement.

Nous vous prions, Monsieur le Ministre, d’agréer l’expression de notre haute considération.

Carla DUGAULT, Co-présidente -- Rodrigo ARENAS, Co-président